Friday, September 6, 2013

The Tale of An Phuc House by Lý Hiếu

Présenté au 37e Festival des Films du Monde de Montréal, ce documentaire nous présente la vie de 20 jeunes handicapés victimes de l’agent orange.
Tout d'abord, voici un rappel historique.
L’agent orange
Durant la guerre du Vietnam, l’armée américaine a répandu quelque 80 millions de litres de défoliants qui ont touché 20 % des forêts du Sud Vietnam et contaminé 400 000 hectares de terrains agricoles. Les combats de ce conflit furent surtout des guérillas dans la jungle. L’épandage de défoliants visait donc à empêcher les communistes nord-vietnamiens de se cacher. Il s’agissait aussi de dégager les abords des installations militaires américaines et ainsi de prévenir les attaques. La destruction des récoltes de l’ennemi était également un autre moyen de l’affaiblir.
L’herbicide le plus utilisé fut surnommé « agent orange ». Ce produit, fabriqué par Monsanto et Dow Chemical, fut couramment utilisé en agriculture dans les années 60 sans que les dangers pour l’être humain soient alors connus (ou publiquement admis). Les opérations d’épandage de ces produits chimiques débutèrent sur le Vietnam en 1961, et se faisaient en surdose par rapport à la concentration recommandée pour l’usage agricole.
Ce n’est que dans les derniers jours de 1969 que les dangers de l’herbicide ont été révélés au public américain. Dès avril 1970, la Food and Drug Administration interdit ce produit aux États-Unis. Ce fut là une décision extrêmement rapide pour l'époque.
The Tale of An Phuc House commence avec l’affirmation que 4,5 millions de Vietnamiens et plusieurs milliers de combattants américains ont été directement contaminés par « l’agent orange ». Selon le film, la concentration était jusqu’à 50 fois plus élevée que la dose prescrite dans l’industrie agricole.
L’épidémie de malformations atteint maintenant une 3e génération de Vietnamiens. Des nouveau-nés mal formés sont encore abandonnés par des parents pauvres aux portes des établissements religieux.
The Tale of An Phuc House n’est cependant pas un pamphlet sociopolitique, mais une incursion intimiste dans la Maison An Phuc, un organisme qui vient en aide aux jeunes handicapés nés de parents contaminés à l’agent orange.
Après la guerre, l’humanité…
Au-delà de l’hébergement et l’aide médicale, la Maison An Phuc procure à ces jeunes un travail manuel en dépit de leur handicap. La Maison est tenue par M. Quang, un homme dévoué que les jeunes appellent non pas « Monsieur », mais « Père ». Il est assisté par Hiêp, une femme de 36 ans, elle-même handicapée, qui agit comme une grande sœur auprès des jeunes. Hiêp (qui a déjà failli se suicider pour ne plus être un fardeau pour ses parents) s’occupe de la comptabilité de la Maison.
C’est elle qui a enseigné aux jeunes à réaliser des fabrications artisanales, de jeunes aveugles apprenant même à mettre un fil dans une aiguille! Une partie du revenu de la Maison provient de la vente de ces produits artisanaux, qui s’ajoute au revenu provenant des performances musicales qu’offrent les jeunes lors de tournées à travers le Vietnam. Le « directeur musical » est un pianiste aveugle de 25 ans résidant dans la Maison. La bande sonore du film est d’ailleurs créditée à ce pianiste et au An Phuc Band.
Nous faisons aussi la connaissance d’un couple de jeunes aveugles, qui prennent soin de leur nouveau-né (la 3e génération) en guettant l’apparition d’un quelconque symptôme dû à l’agent orange. Les deux jeunes parents espèrent offrir à leur enfant l’éducation qu’ils n’ont pas eue à cause de leur handicap.
Nous sommes également témoins de l’histoire d’amour parsemée d’embûches entre un préposé et une patiente. Malgré leurs sentiments réciproques, il y a eu non seulement l’opposition des deux familles mais aussi une réticence de la part des deux amoureux eux-mêmes. La demoiselle était atteinte d’un cancer des os et subissait des traitements qui pouvaient la rendre stérile. Ils se sont finalement mariés, et espèrent maintenant avoir un enfant, malgré les risques.
Le film porte son regard davantage sur la joie de vivre de cette famille de vingt personnes que sur le combat administratif international que mènent les victimes non-certifiées de l’agent orange. On y mentionne la solidarité d’un groupe de vétérans américains avec la Maison An Phuc dont la survie dépend aussi de la philanthropie.
Les récents recours collectifs pour crimes contre l’humanité que mène l'Association vietnamienne des victimes de l'agent orange/dioxine contre les fabricants ne font pas partie de ce documentaire. Quant à l'État américain, il bénéficie de l'immunité pour tout acte commis en temps de guerre, que ce soit contre les anciens combattants américains ou les victimes vietnamiennes.
Hieu Ly
27 août 2013
The Tale of An Phuc House est projeté en version anglaise dans le cadre du 37e Festival des Films du Monde de Montréal :
Mercredi 28 août 2013 - 21:30 - au Cinéma Quartier Latin 11
Vendredi 30 août 2013 - 14:50 - au Cinéma Quartier Latin 11

Note de la rédaction :
Le refus américain d'indemniser
Le 3 février 1994, le président Bill Clinton lève l'embargo commercial instauré à la fin de la guerre contre le Vietnam communiste. Parmi les conditions posées à cette décision figure toutefois le refus de toutes réparations de guerre.

«Le gouvernement est très prudent par rapport à la reconnaissance de problèmes qui pourraient être assimilés par d'autres nations à ce que l'on pourrait appeler des crimes de guerre», estime Chuck Searcy, ancien combattant au Vietnam et membre de l'association américaine Veterans For Peace.

En 2005, la justice américaine a rejeté la plainte d'une association vietnamienne contre Monsanto, Dow Chemicals et autres fabricants qui ont fourni l'agent orange au Pentagone. Pour les juges américains, l'herbicide n'était alors pas un poison, selon le droit international, et il n'y avait donc pas d'interdiction à utiliser ce produit. Il demeure qu'en juillet dernier, Monsanto et Dow Chemicals ont été condamnés par un tribunal sud-coréen à indemniser 39 anciens combattants de la guerre du Vietnam.

MONTRÉAL- 37th WORLD FILM FESTIVAL 2013

Mr Serge Losique Founder & Président of Montréal World Films Festival