Présenté au 37e
Festival des Films du Monde de Montréal, ce documentaire nous présente
la vie de 20 jeunes handicapés victimes de l’agent orange.
Tout d'abord, voici un rappel historique.
L’agent orange
Durant
la guerre du Vietnam, l’armée américaine a répandu quelque 80 millions
de litres de défoliants qui ont touché 20 % des forêts du Sud Vietnam et
contaminé 400 000 hectares de terrains agricoles. Les combats de ce
conflit furent surtout des guérillas dans la jungle. L’épandage de
défoliants visait donc à empêcher les communistes nord-vietnamiens de se
cacher. Il s’agissait aussi de dégager les abords des installations
militaires américaines et ainsi de prévenir les attaques. La destruction
des récoltes de l’ennemi était également un autre moyen de l’affaiblir.
L’herbicide le plus utilisé fut surnommé « agent orange ». Ce produit, fabriqué par Monsanto et Dow Chemical,
fut couramment utilisé en agriculture dans les années 60 sans que les
dangers pour l’être humain soient alors connus (ou publiquement admis).
Les opérations d’épandage de ces produits chimiques débutèrent sur le
Vietnam en 1961, et se faisaient en surdose par rapport à la
concentration recommandée pour l’usage agricole.
Ce
n’est que dans les derniers jours de 1969 que les dangers de l’herbicide
ont été révélés au public américain. Dès avril 1970, la Food and Drug
Administration interdit ce produit aux États-Unis. Ce fut là une
décision extrêmement rapide pour l'époque.
The Tale of An Phuc House
commence avec l’affirmation que 4,5 millions de Vietnamiens et
plusieurs milliers de combattants américains ont été directement
contaminés par « l’agent orange ». Selon le film, la concentration était
jusqu’à 50 fois plus élevée que la dose prescrite dans l’industrie
agricole.
L’épidémie
de malformations atteint maintenant une 3e génération de Vietnamiens.
Des nouveau-nés mal formés sont encore abandonnés par des parents
pauvres aux portes des établissements religieux.
The Tale of An Phuc House
n’est cependant pas un pamphlet sociopolitique, mais une incursion
intimiste dans la Maison An Phuc, un organisme qui vient en aide aux
jeunes handicapés nés de parents contaminés à l’agent orange.
Après la guerre, l’humanité…
Au-delà
de l’hébergement et l’aide médicale, la Maison An Phuc procure à ces
jeunes un travail manuel en dépit de leur handicap. La Maison est tenue
par M. Quang, un homme dévoué que les jeunes appellent non pas
« Monsieur », mais « Père ». Il est assisté par Hiêp, une femme de 36
ans, elle-même handicapée, qui agit comme une grande sœur auprès des
jeunes. Hiêp (qui a déjà failli se suicider pour ne plus être un fardeau
pour ses parents) s’occupe de la comptabilité de la Maison.
C’est
elle qui a enseigné aux jeunes à réaliser des fabrications artisanales,
de jeunes aveugles apprenant même à mettre un fil dans une aiguille!
Une partie du revenu de la Maison provient de la vente de ces produits
artisanaux, qui s’ajoute au revenu provenant des performances musicales
qu’offrent les jeunes lors de tournées à travers le Vietnam. Le
« directeur musical » est un pianiste aveugle de 25 ans résidant dans la
Maison. La bande sonore du film est d’ailleurs créditée à ce pianiste
et au An Phuc Band.
Nous
faisons aussi la connaissance d’un couple de jeunes aveugles, qui
prennent soin de leur nouveau-né (la 3e génération) en guettant
l’apparition d’un quelconque symptôme dû à l’agent orange. Les deux
jeunes parents espèrent offrir à leur enfant l’éducation qu’ils n’ont
pas eue à cause de leur handicap.
Nous sommes
également témoins de l’histoire d’amour parsemée d’embûches entre un
préposé et une patiente. Malgré leurs sentiments réciproques, il y a eu
non seulement l’opposition des deux familles mais aussi une réticence de
la part des deux amoureux eux-mêmes. La demoiselle était atteinte d’un
cancer des os et subissait des traitements qui pouvaient la rendre
stérile. Ils se sont finalement mariés, et espèrent maintenant avoir un
enfant, malgré les risques.
Le
film porte son regard davantage sur la joie de vivre de cette famille de
vingt personnes que sur le combat administratif international que
mènent les victimes non-certifiées de l’agent orange. On y mentionne la
solidarité d’un groupe de vétérans américains avec la Maison An Phuc
dont la survie dépend aussi de la philanthropie.
Les
récents recours collectifs pour crimes contre l’humanité que mène
l'Association vietnamienne des victimes de l'agent orange/dioxine contre
les fabricants ne font pas partie de ce documentaire. Quant à l'État
américain, il bénéficie de l'immunité pour tout acte commis en temps de
guerre, que ce soit contre les anciens combattants américains ou les
victimes vietnamiennes.
Hieu Ly
27 août 2013
The Tale of An Phuc House est projeté en version anglaise dans le cadre du 37e Festival des Films du Monde de Montréal :
Mercredi 28 août 2013 - 21:30 - au Cinéma Quartier Latin 11
Mercredi 28 août 2013 - 21:30 - au Cinéma Quartier Latin 11
Vendredi 30 août 2013 - 14:50 - au Cinéma Quartier Latin 11
Note de la rédaction :
Le refus américain d'indemniserLe 3 février 1994, le président Bill Clinton lève l'embargo commercial instauré à la fin de la guerre contre le Vietnam communiste. Parmi les conditions posées à cette décision figure toutefois le refus de toutes réparations de guerre.
«Le gouvernement est très prudent par rapport à la reconnaissance de problèmes qui pourraient être assimilés par d'autres nations à ce que l'on pourrait appeler des crimes de guerre», estime Chuck Searcy, ancien combattant au Vietnam et membre de l'association américaine Veterans For Peace.
En 2005, la justice américaine a rejeté la plainte d'une association vietnamienne contre Monsanto, Dow Chemicals et autres fabricants qui ont fourni l'agent orange au Pentagone. Pour les juges américains, l'herbicide n'était alors pas un poison, selon le droit international, et il n'y avait donc pas d'interdiction à utiliser ce produit. Il demeure qu'en juillet dernier, Monsanto et Dow Chemicals ont été condamnés par un tribunal sud-coréen à indemniser 39 anciens combattants de la guerre du Vietnam.
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